Samedi 5 juin matin, mais pas très tôt quand même:
C'est le grand jour!
Mon premier geste : j'ouvre la fenêtre du gîte que je réserve d'une année sur l'autre (et où mes hôtes sont devenus des amis) : Chouette! il fait beau et beaucoup moins chaud qu'hier. Un temps parfait! Le festival s'annonce bien.
Samedi 5 juin - 20h30 : Benjamin GROSVENOR
Pourquoi?
Pourquoi, alors que tous les ans c'est une grande figure, voire un mythe de la musique, qui ouvre le Nohant Festival Chopin : Paul Badura-Skoda, Aldo Ciccolini (une pensée pour lui qui y a donné l'année dernière un de ses derniers récital, merveilleux, avec une dernière sonate de Schubert qui m'avait donné des frissons… Emotion!), pourquoi ouvrir cette année avec ce jeune, ce très jeune anglais peu connu, à l'air poupin malgré son soupçon de moustache et dont la presse que j'ai consultée et le programme du Festival (fort bien fait et bien documenté comme à l'habitude) annoncent pompeusement comme " le jeune prodige que le monde découvre et… s'arrache " et peut-être " le jeune pianiste le plus remarquable de notre temps"? un produit marketing de plus? un de ces non- musiciens virtuoses météores?
Eh bien, maintenant j'ai la réponse.
D'abord un programme bien construit. Ensuite un son et un phrasé superbes comme on en a rarement..
Et
- après un Rameau (Gavotte et variations en la mineur) ciselé en orfèvre,
- après la célèbre et redoutable Chaconne Bach/Busoni tour à tour délicate et puissante (où il a fait sonner et gronder le piano de la Bergerie qui a "répondu présent"; on ne dit jamais assez combien c'est important la qualité de l'instrument dans la réussite d'un concert et d'un festival : un beau son et un réglage parfait, c'est d'abord respecter les œuvres, les artistes et le public et il suffit de regarder quelques critiques ça et là dans la presse pour voir que, parfois, certaines scènes parisiennes - eh oui! - ont vu quelques fêtes gâchées par la faute d'un instrument "indigent"),
- après un Prélude Choral et Fugue de Franck où tout l'univers du compositeur et organiste était là : plans sonores bien définis, son bien timbré et véhément dans le choral et une fugue claire magistralement jouée sans être, comme trop souvent, noyée dans la pédale,
- après un Chopin très lyrique (Barcarolle tour à tour sombre et lumineuse, 2 Mazurkas jouées tout en finesse avec le rythme et le rebond des doigts comme il faut et le brin de nostalgie qui va bien et la 3è Ballade chantée et bien balancée du début à la fin (j'y ai d'ailleurs découverts quelque contre-chants "inédits"),
- après trois pièces des Goyescas de Granados - moins connues - où il nous a fait apprécier son art de la narration, où il a joué avec les sonorités et les résonances du piano et quelques délicates percussions dans les rythmes de fandango,
- après, pour répondre aux ovations, deux bis de vrai "pro" qu'il a nous a fait découvrir et qui lui ont permis de bien mettre en valeur la délicate mise en évidence des harmonies dans son jeu ("La fontaine et la cloche" de F. MOMPOU , le "Debussy espagnol" comme disait Vuillermoz ) et une digitalité et une virtuosité extrêmes, "toutes mains mélangées" ("Capriccio" de E. Von Dohnanyi ) qui ont emporté tout le public,
Je dis : "CHAPEAU, L'ARTISTE"!
Ma doué!, comme on dit chez nous, un de mes plus beaux concerts!
Et je pourrai dire quand il sera un des plus grands : "J'y étais, j'étais à ses débuts quand il avait 23 ans et qu'il est venu à Nohant!"
Dimanche matin 7 Juin : Tremplin-découverte
Bruno Philippe, violoncelle /Tanguy de Williencourt, piano
Une bien belle idée que ces tremplins-découvertes du Festival!
On y découvre très souvent des merveilleux musiciens et … ça nous donne en plus l'impression d'y être un peu pour quelque chose quand on les suit et qu'il atteignent ensuite la notoriété, ce qui est souvent le cas et qui montre "le nez" dans le choix de la programmation.
Tout d'abord il y a toujours la présentation des jeunes artistes et des œuvres qui sont jouées faite, sans pédanterie, style "coin du feu", de façon limpide, simple et très complète par Jean-Yves CLEMENT et son immense culture (qui nous donne à chaque fois l'impression d'être plus intelligents!)
Aujourd'hui, changement de programme pour coller un peu plus au programme des "imposées" au grand "Concours Tchaïkovski " où le jeune duo va aller défendre nos couleurs et l'Ecole française de violoncelle.
Exit la pourtant très belle 5è sonate de Beethoven! Bienvenue à Tchaïkovski et à son pathétique "Pezzo capriccioso op.62" (même tonalité que sa 6è symphonie), à Rachmaninov et au superbe 2è mouvement de sa Sonate et à Liszt et à sa "Bénédiction de Dieu dans la solitude".
Programme avec alternativement des œuvres pour piano et violoncelle et des œuvres pour piano seul.
Piano seul : "Nocturne op.62 n° 1" de Chopin et "Bénédiction de Dieu dans la solitude" de Liszt où nous avons pu apprécier le toucher, le jeu intimiste et habité, tout en retenue de Tanguy de Williencourt.
Violoncelle et piano : le gros morceau du concert! où l'entente quasi fusionnelle des deux interprètes est une réelle évidence : un vrai duo et non une juxtaposition d'artistes (un vrai atout pour leur Concours) comme trop souvent.
Un son plein, profond tiré du magnifique violoncelle Franck Ravatin, une maîtrise parfaite de l'instrument.
Les deux compères nous ont régalé pendant plus d'une heure avec leur lyrisme dans Tchaïkovski, la profondeur dans le mouvement lent de la Sonate de Rachmaninov, leur fougue et leur passion dans la redoutable 2è Sonate de Brahms et leur incroyable virtuosité dans leur époustouflant bis "Encore" de l'étonnant Jérôme Ducros.
Nul doute qu'ils ne rentreront pas bredouilles de Moscou! En tout cas, moi j'y crois et je croise les doigts pour eux (une suggestion : ça serait bien qu'on puisse le savoir sur le site du Festival!!)
Dimanche midi :
déjeuner léger en terrasse à la Petite Fadette, dans un décor de rêve, sur la place face à la petite église de Nohant!
Moment simple, tout aussi magique!
Dimanche 7 juin, 16h30 : Spectacle littéraire et musical
Catherine FROT, récitante
Henri DEMARQUETTE, violoncelle
Vassilis VARVARESOS, piano.
Belle brochette d'artistes!
Salle comble! On joue à guichets fermés! (la petite et mesquine satisfaction en regardant les airs anxieux des inquiets de la file d'attente d'avoir bien fait de réserver sa place!!)
D'habitude, je ne suis pas très fan des concerts littéraires, mais là, j'ai été vraiment subjuguée, tout comme tout le public qui a ovationné les artistes à la fin de cette heure et demie qui a passé si vite.
- A cause du choix des textes simples et beaux ( avec plein d'adjectifs et de belles tournures comme dans les dictées de l'école de nos parents!) de George Sand tirés de "Un hiver à Majorque" et de "Histoire de ma vie" qui racontent si bien cette extraordinaire aventure qui a été source d'inspiration de chefs d'œuvre pour elle et Chopin ? Quelle histoire que ce séjour à Majorque!
- A cause de la diction spontanée et simple, sans déclamation aucune de la grande comédienne qu'est Catherine FROT qui a lu ces lettres et ces textes de façon si naturelle?
- A cause du choix des musiques, reflets des tourments de Chopin sur cette île inhospitalière, ces musiques comme le dit George Sand "qui charment l'oreille et navrent le cœur" et "qui nous mettent dans un abattement profond" ?
- A cause du talent des musiciens, de la fougue de Vassilis VARVARAISSOS, des notes graves et profondes et du chant que Henri DEMARQUETTE a su tirer de son "Vaslin" de Stradivarius?
A cause de tout cela et du plaisir que les artistes avaient d'être ensemble, d'un spectacle bien construit où la "mayonnaise a parfaitement pris."
Quelle journée! Quel week-end!
Pas une fausse note! c'est le cas de le dire.
En attendant la semaine prochaine et ses grands rendez-vous (Bertrand CHAMAYOU dont je connais et apprécie ses qualités de grand musicien et la surprenante Valentina LISITSA que j'attends avec curiosité, un peu de tourisme pour voir et revoir sans se lasser les richesse du Berry, ses châteaux, les paysages des romans de George Sand, les fresques de l'église de Vic…
PS 1 : Tiens! samedi et dimanche prochains, je me réserverai du temps pour aller écouter dans le grenier littéraire l'hommage à Aldo CICCOLINI avec des extraits des treize concerts qu'il a donnés ici à Nohant. Il y a sûrement des pépites à écouter et des moments d'émotion à retrouver!
PS 2 : La semaine prochaine, j'essaierai de faire quelques photos ; ça fera plus vivant et moins rébarbatif, non?
C'est le grand jour!
Mon premier geste : j'ouvre la fenêtre du gîte que je réserve d'une année sur l'autre (et où mes hôtes sont devenus des amis) : Chouette! il fait beau et beaucoup moins chaud qu'hier. Un temps parfait! Le festival s'annonce bien.
Samedi 5 juin - 20h30 : Benjamin GROSVENOR
Pourquoi?
Pourquoi, alors que tous les ans c'est une grande figure, voire un mythe de la musique, qui ouvre le Nohant Festival Chopin : Paul Badura-Skoda, Aldo Ciccolini (une pensée pour lui qui y a donné l'année dernière un de ses derniers récital, merveilleux, avec une dernière sonate de Schubert qui m'avait donné des frissons… Emotion!), pourquoi ouvrir cette année avec ce jeune, ce très jeune anglais peu connu, à l'air poupin malgré son soupçon de moustache et dont la presse que j'ai consultée et le programme du Festival (fort bien fait et bien documenté comme à l'habitude) annoncent pompeusement comme " le jeune prodige que le monde découvre et… s'arrache " et peut-être " le jeune pianiste le plus remarquable de notre temps"? un produit marketing de plus? un de ces non- musiciens virtuoses météores?
Eh bien, maintenant j'ai la réponse.
D'abord un programme bien construit. Ensuite un son et un phrasé superbes comme on en a rarement..
Et
- après un Rameau (Gavotte et variations en la mineur) ciselé en orfèvre,
- après la célèbre et redoutable Chaconne Bach/Busoni tour à tour délicate et puissante (où il a fait sonner et gronder le piano de la Bergerie qui a "répondu présent"; on ne dit jamais assez combien c'est important la qualité de l'instrument dans la réussite d'un concert et d'un festival : un beau son et un réglage parfait, c'est d'abord respecter les œuvres, les artistes et le public et il suffit de regarder quelques critiques ça et là dans la presse pour voir que, parfois, certaines scènes parisiennes - eh oui! - ont vu quelques fêtes gâchées par la faute d'un instrument "indigent"),
- après un Prélude Choral et Fugue de Franck où tout l'univers du compositeur et organiste était là : plans sonores bien définis, son bien timbré et véhément dans le choral et une fugue claire magistralement jouée sans être, comme trop souvent, noyée dans la pédale,
- après un Chopin très lyrique (Barcarolle tour à tour sombre et lumineuse, 2 Mazurkas jouées tout en finesse avec le rythme et le rebond des doigts comme il faut et le brin de nostalgie qui va bien et la 3è Ballade chantée et bien balancée du début à la fin (j'y ai d'ailleurs découverts quelque contre-chants "inédits"),
- après trois pièces des Goyescas de Granados - moins connues - où il nous a fait apprécier son art de la narration, où il a joué avec les sonorités et les résonances du piano et quelques délicates percussions dans les rythmes de fandango,
- après, pour répondre aux ovations, deux bis de vrai "pro" qu'il a nous a fait découvrir et qui lui ont permis de bien mettre en valeur la délicate mise en évidence des harmonies dans son jeu ("La fontaine et la cloche" de F. MOMPOU , le "Debussy espagnol" comme disait Vuillermoz ) et une digitalité et une virtuosité extrêmes, "toutes mains mélangées" ("Capriccio" de E. Von Dohnanyi ) qui ont emporté tout le public,
Je dis : "CHAPEAU, L'ARTISTE"!
Ma doué!, comme on dit chez nous, un de mes plus beaux concerts!
Et je pourrai dire quand il sera un des plus grands : "J'y étais, j'étais à ses débuts quand il avait 23 ans et qu'il est venu à Nohant!"
Dimanche matin 7 Juin : Tremplin-découverte
Bruno Philippe, violoncelle /Tanguy de Williencourt, piano
Une bien belle idée que ces tremplins-découvertes du Festival!
On y découvre très souvent des merveilleux musiciens et … ça nous donne en plus l'impression d'y être un peu pour quelque chose quand on les suit et qu'il atteignent ensuite la notoriété, ce qui est souvent le cas et qui montre "le nez" dans le choix de la programmation.
Tout d'abord il y a toujours la présentation des jeunes artistes et des œuvres qui sont jouées faite, sans pédanterie, style "coin du feu", de façon limpide, simple et très complète par Jean-Yves CLEMENT et son immense culture (qui nous donne à chaque fois l'impression d'être plus intelligents!)
Aujourd'hui, changement de programme pour coller un peu plus au programme des "imposées" au grand "Concours Tchaïkovski " où le jeune duo va aller défendre nos couleurs et l'Ecole française de violoncelle.
Exit la pourtant très belle 5è sonate de Beethoven! Bienvenue à Tchaïkovski et à son pathétique "Pezzo capriccioso op.62" (même tonalité que sa 6è symphonie), à Rachmaninov et au superbe 2è mouvement de sa Sonate et à Liszt et à sa "Bénédiction de Dieu dans la solitude".
Programme avec alternativement des œuvres pour piano et violoncelle et des œuvres pour piano seul.
Piano seul : "Nocturne op.62 n° 1" de Chopin et "Bénédiction de Dieu dans la solitude" de Liszt où nous avons pu apprécier le toucher, le jeu intimiste et habité, tout en retenue de Tanguy de Williencourt.
Violoncelle et piano : le gros morceau du concert! où l'entente quasi fusionnelle des deux interprètes est une réelle évidence : un vrai duo et non une juxtaposition d'artistes (un vrai atout pour leur Concours) comme trop souvent.
Un son plein, profond tiré du magnifique violoncelle Franck Ravatin, une maîtrise parfaite de l'instrument.
Les deux compères nous ont régalé pendant plus d'une heure avec leur lyrisme dans Tchaïkovski, la profondeur dans le mouvement lent de la Sonate de Rachmaninov, leur fougue et leur passion dans la redoutable 2è Sonate de Brahms et leur incroyable virtuosité dans leur époustouflant bis "Encore" de l'étonnant Jérôme Ducros.
Nul doute qu'ils ne rentreront pas bredouilles de Moscou! En tout cas, moi j'y crois et je croise les doigts pour eux (une suggestion : ça serait bien qu'on puisse le savoir sur le site du Festival!!)
Dimanche midi :
déjeuner léger en terrasse à la Petite Fadette, dans un décor de rêve, sur la place face à la petite église de Nohant!
Moment simple, tout aussi magique!
Dimanche 7 juin, 16h30 : Spectacle littéraire et musical
Catherine FROT, récitante
Henri DEMARQUETTE, violoncelle
Vassilis VARVARESOS, piano.
Belle brochette d'artistes!
Salle comble! On joue à guichets fermés! (la petite et mesquine satisfaction en regardant les airs anxieux des inquiets de la file d'attente d'avoir bien fait de réserver sa place!!)
D'habitude, je ne suis pas très fan des concerts littéraires, mais là, j'ai été vraiment subjuguée, tout comme tout le public qui a ovationné les artistes à la fin de cette heure et demie qui a passé si vite.
- A cause du choix des textes simples et beaux ( avec plein d'adjectifs et de belles tournures comme dans les dictées de l'école de nos parents!) de George Sand tirés de "Un hiver à Majorque" et de "Histoire de ma vie" qui racontent si bien cette extraordinaire aventure qui a été source d'inspiration de chefs d'œuvre pour elle et Chopin ? Quelle histoire que ce séjour à Majorque!
- A cause de la diction spontanée et simple, sans déclamation aucune de la grande comédienne qu'est Catherine FROT qui a lu ces lettres et ces textes de façon si naturelle?
- A cause du choix des musiques, reflets des tourments de Chopin sur cette île inhospitalière, ces musiques comme le dit George Sand "qui charment l'oreille et navrent le cœur" et "qui nous mettent dans un abattement profond" ?
- A cause du talent des musiciens, de la fougue de Vassilis VARVARAISSOS, des notes graves et profondes et du chant que Henri DEMARQUETTE a su tirer de son "Vaslin" de Stradivarius?
A cause de tout cela et du plaisir que les artistes avaient d'être ensemble, d'un spectacle bien construit où la "mayonnaise a parfaitement pris."
Quelle journée! Quel week-end!
Pas une fausse note! c'est le cas de le dire.
En attendant la semaine prochaine et ses grands rendez-vous (Bertrand CHAMAYOU dont je connais et apprécie ses qualités de grand musicien et la surprenante Valentina LISITSA que j'attends avec curiosité, un peu de tourisme pour voir et revoir sans se lasser les richesse du Berry, ses châteaux, les paysages des romans de George Sand, les fresques de l'église de Vic…
PS 1 : Tiens! samedi et dimanche prochains, je me réserverai du temps pour aller écouter dans le grenier littéraire l'hommage à Aldo CICCOLINI avec des extraits des treize concerts qu'il a donnés ici à Nohant. Il y a sûrement des pépites à écouter et des moments d'émotion à retrouver!
PS 2 : La semaine prochaine, j'essaierai de faire quelques photos ; ça fera plus vivant et moins rébarbatif, non?